Le gothique est une des grandes révolutions architecturales du Moyen Âge. Parmi ses multiples expressions, le style angevin, né au XIIe siècle, occupe une place à part. Souvent éclipsé par l’influence parisienne, ce style développé autour d’Angers se distingue par son audace technique et son esthétique singulière, bien que son histoire ait été brève.
Un terme souvent mal employé
On parle souvent de « style Plantagenêt » pour désigner cette architecture, mais cette appellation est trompeuse. Ce style, bien qu’apparenté à la région contrôlée par la dynastie des Plantagenêt (Anjou, Maine, Touraine, Poitou, Limousin, etc.), n’a pas de lien direct avec ses mécènes ou ses bâtisseurs royaux. Contrairement à ce que son nom suggère, il ne s’étend ni en Angleterre ni en Normandie, pourtant des territoires centraux des Plantagenêt.
Ce style s’articule plutôt autour d’Angers, son épicentre. Certains historiens préfèrent d’ailleurs l’appeler « gothique angevin » ou « style de transition », en raison de sa place entre le roman et le gothique classique. En effet, il possède des éléments gothiques, comme les voûtes d’ogives, tout en conservant des caractéristiques romanes, notamment des murs massifs et une absence d’arcs-boutants.
Une évolution rapide et localisée
Apparu vers 1150, notamment à Angers et au Mans, le style angevin se diffuse rapidement dans la région, atteignant des villes comme Poitiers. Cependant, il ne dure qu’un siècle avant d’être supplanté par le gothique parisien, plus adapté aux avancées techniques et aux besoins esthétiques de l’époque. En effet, pour accueillir les immenses baies vitrées prisées dans le gothique classique, il fallait des murs plus fins et des structures renforcées par des arcs-boutants, absents dans le style angevin.
Malgré sa brièveté, ce style marque son époque par son ingéniosité. Les voûtes bombées, signature du gothique angevin, apportent une légèreté visuelle à l’intérieur tout en maintenant la robustesse des édifices.
Les caractéristiques du style angevin
Le gothique angevin se reconnaît immédiatement à ses voûtes bombées, soutenues par des nervures qui jouent à la fois un rôle structurel et décoratif. Ces nervures se prolongent souvent dans des sculptures minutieuses, créant un dialogue entre architecture et art. Ce style se démarque également par la combinaison d’un plan relativement sobre et d’un travail sophistiqué sur la lumière.
Une particularité notable réside dans le revers des voûtes visibles depuis les combles. Ces derniers présentent une succession de formes bombées, distinctives de cette architecture. Les églises angevines intègrent également des baies en plein cintre, héritage roman, en contraste avec les fenêtres en ogive typiques du gothique classique.
La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers : un chef-d’œuvre
Située en marge de la zone d’influence du style angevin, la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers en est pourtant une réalisation magistrale. Ses concepteurs ont su harmoniser unité et luminosité grâce à l’absence d’étages intermédiaires et à des piles soigneusement agencées. La lumière, omniprésente, unifie l’espace et renforce le sentiment de communauté, objectif premier des grandes églises médiévales.
Des éléments de l’église Sainte-Radegonde de Poitiers, comme certaines parties de la nef, témoignent également de l’influence angevine. Il est probable que les équipes de bâtisseurs ayant travaillé sur ces édifices aient collaboré, renforçant ainsi une identité régionale commune.
Un héritage technique et artistique
Si le style angevin disparaît au XIIIe siècle, il laisse une empreinte durable dans l’histoire de l’architecture. Son apport technique, notamment l’utilisation des voûtes d’ogives pour alléger les structures, a ouvert la voie à des innovations futures. Son esthétique, alliant robustesse et légèreté intérieure, reste une source d’inspiration pour les passionnés d’art médiéval.
Le style angevin incarne ainsi une phase essentielle de l’évolution architecturale médiévale, à mi-chemin entre tradition et innovation.